L’ukai : la pêche aux cormorans
L’ukai (鵜飼) est une technique ancestrale de pêche au cormoran. Très traditionnelle, elle permet d’attraper des petites truites japonaises grâce aux cormorans de Temminck (1) à Gifu (2) au Japon.
Afin d’empêcher les cormorans d’avaler les poissons, la base de leur gorge est ligaturée, ne laissant passer que les plus petits spécimens. L’ushou (鵜匠), appellation du pêcheur, attache l’animal à une ficelle, la tanawa, sur laquelle il tire ensuite pour le faire revenir au bateau, l’ubune. Il retire ensuite le poisson du bec de l’oiseau et renvoie celui-ci pêcher.
Les cormorans utilisés pour l’ukai sont des oiseaux sauvages qui ont été attrapés par les ushou, puis dressés pour pêcher. Après la capture, les pêcheurs doivent emmener leurs nouveaux cormorans se baigner tous les jours, durant deux semaines. En effet, ces oiseaux étaient acclimatés à la mer, ils ne connaissent pas l’eau douce à laquelle il faut les habituer. Pendant ce laps de temps, les ushou doivent également nourrir les cormorans à la main, car, puisque les oiseaux ne sont pas habitués à l’eau douce, ils ne peuvent pas non plus se nourrir avec les poissons qui y vivent. L’entraînement des oiseaux dure de deux à trois ans.
Le maître tisse un lien puissant avec chacun de ses cormorans. Les traitant du mieux qu’il le peut, il est très doux avec eux et peut même leur masser la tête et le ventre. Ils vivent d’ailleurs avec leurs cormorans. Néanmoins, en captivité l’espérance de vie des cormorans est raccourcie d’environ cinq ans (3).
Durant la pêche qui se déroule la nuit, chaque ushou manipule entre 10 et 12 cormorans. Les frêles embarcations éclairées par des torches en bois de pin attirent les poissons, qui ne peuvent résister à la tentation d’aller vers la lumière.
Un peu d’histoire
L’ukai est une technique de pêche au cormoran importée de Chine et vieille de plus de 1 300 ans. La première mention qui en est faite dans la littérature japonaise date de 702 après J.-C et est une description de la pêche se déroulant sur la Nagaragawa. Elle n’est plus pratiquée que dans 13 villes japonaises et sur quelques rivières chinoises. Longtemps une activité importante au Japon, l’ukai n’est aujourd’hui plus rentable au pays du Soleil Levant. À ses débuts, l’utilisation des cormorans rencontre un large succès, dont les restes se perçoivent dans divers noms de famille intégrant le kanji 鵜 (signifiant « cormoran »).
Ce succès est marqué par la reconnaissance de l’Empereur, qui en fait sa pêche officielle durant l’époque de Nara (710-794). Les ushou font donc partie de l’Agence de la maison impériale, par le biais de laquelle ils se doivent d’offrir certaines de leurs truites à l’Empereur. Leur métier est ainsi protégé et peut perdurer, les fils aînés continuant à succéder à leurs pères, comme cela a toujours été le cas.
La pêche au cormoran a également été pratiquée en Angleterre et en France entre le XVIe et le XVIIe siècles. Sans lien avec l’ukai, elle y ressemblait pourtant beaucoup. Des traces d’une telle pêche ont également été retrouvées au Pérou vers le Ve siècle, ce qui fait de ce pays un précurseur du Japon.
Assister à l’ukai
Cette pêche, qui est aujourd’hui en déclin, est devenue une attraction touristique. On peut donc y assister à partir de 19h30 du 11 mai au 15 octobre sur la Nagaragawa dans la préfecture de Gifu, le berceau de l’ukai, où la saison de la pêche est lancée par trois feux d’artifice tirés au-dessus de la rivière. Les spectateurs peuvent observer l’ukai depuis des bateaux restaurants, sur lesquels ils dînent et boivent du sake. La pêche n’a cependant pas lieu les soirs de pleine lune et les jours de forte pluie.
Les touristes ont également la possibilité de discuter avec les ushou à la maison des cormorans, la ukai no sato. Les pêcheurs y répondent aux questions, montrent leurs bateaux (4) et on peut y manger en admirant les oiseaux (5).
D’autres villes permettent aussi d’assister à cette tradition de l’ukai, comme Kyoto (6), sur la rivière Hozu, et Uji (7), sur la rivière Uji.
Notes
(1) Ces oiseaux sont appelés 海鵜 (umiu) au Japon.
(2) Gifu (岐阜市) est une ville japonaise, capitale de la préfecture de Gifu (岐阜県).
(3) En Chine, ce sont les Grands Cormorans qui sont utilisés pour ce type de pêche. Ceux-ci vivent une vingtaine d’année en liberté, mais entre 14 et 15 ans en captivité.
(4) Visite gratuite du lundi au vendredi entre 9h et 16h. Vous pouvez visiter ce site pour de plus amples renseignements ou bien appeler le numéro japonais suivant : 058-262-0104.
(5) Tous les jours de 10h à 16h, sauf les second et le quatrième dimanches du mois et les premier, troisième et cinquième lundis du mois. Pour de plus amples renseignements, vous pouvez appeler le numéro japonais suivant : 058-232-2839.
(6) Du 1er juillet au 23 septembre (en 2017).
(7) Du 1er juillet au 30 septembre (en 2017).
Sources
- Office National du Tourisme Japonais
- Japan Experience
- Japan Guide
- Gifu City
- 岐阜市漫遊
- Divers articles du Wikipedia français, dont les cormorans de Temminck, le Grand Cormoran, la pêche au Cormoran
- Image d’en-tête
- Image de cormoran recrachant une truite
- Estampe : Godo sur la Kisokaido, de Keisai Eisen