Mujirushi, le signe des rêves
« La Frâânce, sans façon ! »
La critique d’un manga a pour but de vous donner envie de vous intéresser à l’œuvre SANS SPOIL pour ne pas vous gâcher le plaisir de lecture.
En bref : Naoki Urasawa s’invite en France le temps d’une courte aventure décalée qui n’oublie aucun des éléments propres au succès de l’auteur.
En 2014 naît un projet pour le moins atypique intitulé “Louvre BD” avec pour objectif de faire (re)découvrir le Louvre en bande-dessinée. Répondant à cette initiative, des auteurs de tous horizons vont mettre en image leur vision du Louvre que ce soit au travers de récits contemplatifs ou alors de fictions aux allures de réel. Nicolas de Crécy, Hirohiko Araki, Enki Bilal, Jirô Taniguchi… Et bien d’autres vont livrer des histoires courtes dans lesquelles le Louvre sera le décor central de leurs fantaisies (vous pouvez directement retrouver toutes les parutions sous ce nom : ici).
A la genèse du projet, Naoki Urasawa est également contacté pour y prendre part et, bien que l’idée le séduit, il n’a pas le temps de s’y atteler, car occupé par son récit majeur à ce moment-là, Billy Bat. Néanmoins, quatre ans plus tard, à la suite d’une discussion anodine, le projet refait surface et Naoki Urasawa, qui ne savait plus quoi écrire après le passage de tous ces auteurs légendaires, a une idée pour le moins farfelue : faire du Louvre le décor d’un récit au ton décalé mettant en vedette Iyami, un personnage comique très connu dans le folklore japonais car récurrent dans la franchise à succès Osomatsu-kun.
Peu de lecteurs français seront familiers avec le personnage d’Iyami mais cela n’est pas dérangeant du tout pour le récit. Ce personnage à l’allure douteuse et déstabilisante ne cache pas son jeu et il est très facile de comprendre directement à qui nous avons à faire. Directeur d’un “institut de France” plutôt louche, il va propulser deux Japonais au destin morose en direction du pays où leurs rêves les plus fous pourront devenir réalité : la France.
Thématique-phare de tout récit d’Urasawa, un personnage au train de vie tout à fait banal va alors se retrouver catapulté au beau milieu d’une histoire grandiloquente qui le dépasse et pour cause, un univers français aux antipodes de son quotidien.
De très nombreuses références à la culture française (et à l’actualité d’un certain autre pays) viennent confronter des pans de la société japonaise tandis que les personnages nous font visiter une vision intime et inhabituelle du Louvre que certains lecteurs français se surprendront à découvrir.
Le trait extrêmement précis de Naoki Urasawa offre des décors français empreints d’un réalisme troublant. Que ce soit l’intérieur du Louvre ou l’architecture des bâtiments parisiens, l’auteur fait preuve d’une finesse rare dans son interprétation graphique, permettant ainsi de renforcer l’impression que ces personnages de bande-dessinée évoluent dans un univers bien réel.
Le récit nous permet de voir le Louvre et, au sens plus large, la France à travers les yeux de Naoki Urasawa qui traduit une vision que l’on retrouve chez de nombreux Japonais. Pays de l’élégance, du romantisme ou encore de la chanson de variété… De nombreux attributs qui participent encore à la notoriété internationale de la France.
Complétée en deux volumes, dans une splendide édition française de Futuropolis, l’histoire se révèle courte et cela peut surprendre quand on a l’habitude des récits de l’auteur. Ce rythme sans temps mort se ressent autant dans la narration que dans le découpage très dynamique des scènes qui permettent à l’action de se dérouler de manière fluide.
Habitué des autres récits de l’auteur, cette histoire courte n’est probablement pas celle que le lecteur placera en haut de sa liste car, en deux tomes, il était difficile de construire une histoire aux mêmes ambitions que les chefs-d’œuvre auxquels l’auteur nous a habitués jusqu’à présent.
Pourtant, pour Naoki Urasawa, le pari est réussi. Le signe des rêves vient enrichir la collection “Louvre BD” dans une lettre d’amour à la culture française écrite avec des crayons de couleur. Ce “signe des rêves” revêt un sens différent pour tous les protagonistes du récit tandis que le lecteur se plonge dans ce fou mélange d’éléments détachés les uns des autres mais qui, réunis dans un même décor, parviennent à s’harmoniser.
Ne serait-il pas là, le signe du rêve accompli de Naoki Urasawa ?
Level E (Kaze) de Yoshihiro Togashi est un récit en trois tomes véritablement détonant et surprend de la part d’un auteur reconnu pour ses séries à succès (Yu Yu Hakusho, Hunter x Hunter). Enchaînement d’histoires courtes au sein d’un même univers développé en fil rouge, Level E joue parfaitement avec les codes de l’humour absurde tout en mettant en avant des personnages atypiques et des thématiques pertinentes.