La naissance des konbini
La naissance de l’ancêtre du konbini
C’est lors de l’été 1927 qu’un dénommé John Jefferson Green, directeur d’un petit magasin de glace au Texas (1), a décidé d’allonger ses heures d’ouverture à seize heures par jour, sept jours par semaine. En effet, les clients affluaient pendant la période estivale et cela lui permettait de faire un chiffre d’affaires plus important. Ceux-ci ont ensuite demandé s’il était possible que la boutique vende également des produits de première nécessité, tels que le pain, les oeufs et le lait, ce que John Green a accepté. Le plus vieil ancêtre du konbini était né. Quelques temps après, le commerce a été rebaptisé « 7-Eleven ».
Une dizaine d’années plus tard, en 1939, James Lawson, qui vendait du lait dans l’Ohio (2), a ouvert plusieurs petits magasins Lawson proposant divers produits de première nécessité.
L’arrivée des konbinis au Japon
Le premier konbini n’apparaît au Japon qu’en 1969, soit plus de 40 ans après la création de l’ancêtre du konbini de l’autre côté du Pacifique. Ce n’est néanmoins qu’en 1974 que l’entreprise Itoyokado s’allie à l’entreprise possédant les 7-Eleven aux Etats-Unis et que naît finalement le premier 7-Eleven japonais.
Le succès des konbinis a été fulgurant à travers le pays du soleil levant. En 1980, ils étaient déjà 10 000 ouverts. Au début de la décennie suivante il y en avait plus de 20 000. Aujourd’hui, on atteint les 40 000 dans tout le Japon. Cette formidable réussite s’explique par la production d’articles innovants et un mécanisme de distribution bien particulier, inspirés du système américain. Les chaînes développent notamment leurs propres recettes, produisant de nombreux articles dans leurs propres usines. Elles livrent également des produits frais plusieurs fois par jour dans leurs magasins. Outre ces points importants, les commerces gèrent indépendamment les uns des autres leur inventaire et leurs commandes, étant donné que le statut des konbinis est celui de franchisés.
À leur arrivée au Japon, les konbinis ont également offert une impression de proximité de quartier identique à celle des épiceries familiales qui étaient déjà implantées sur le territoire. Si les konbinis les ont en grande partie remplacées, ils ont cependant été ouverts par de nombreuses familles qui tenaient de telles épiceries par le passé.
Dénoncés dans les années 1990 par certains comme un « lieu de délinquance juvénile », le konbini est rapidement devenu indispensable à la jeune génération. Les étudiants vivant seuls y voyaient un moyen économique et rapide de manger, notamment par le biais des plats préparés, et les plus jeunes y voyaient un lieu qui leur permettaient d’échapper à la pression familiale et de retrouver leurs amis (4).
La concurrence
Les trois chaînes de konbinis qui viennent en priorité à l’esprit sont Seven Eleven, Lawson et Family Mart. Ensuite on pense au Daily Yamazaki, au NewDays, au MiniStop et généralement on s’arrête là.
Lors de l’établissement du monopole des konbinis sur le domaine épicier au Japon, dans les années 1980, une compétition intense a eu lieu entre les différentes chaînes et ces dernières ont adopté diverses stratégies afin de s’imposer, ne laissant aujourd’hui que très peu d’entreprises sur le marché concurrentiel. Parmi ces stratégies, l’une des plus remarquables est l’association avec des lignes entières de trains. Sur la ligne JR Ueno-Tôkyô, on ne retrouve dans les gares QUE des konbinis NewDays.
Aujourd’hui encore, on découvre des choses surprenantes sur les konbinis dans les aires reculées du pays : bien qu’on pouvait déjà trouver plusieurs Family Mart et Lawson dans la préfecture de Tottori (3), Seven Eleven n’a envisagé d’y ouvrir un konbini qu’à partir de 2014 ! En effet, jusqu’alors, Seven Eleven avait plus ou moins négligé les régions peu peuplées dans sa stratégie commerciale.
Et aujourd’hui ?
Malgré l’éclatement de la bulle spéculative japonaise au début des années 90 et la récession qui s’en est suivie, les konbinis n’ont pas connu de véritables difficultés et ont continué leur installation définitive au cœur de la société nippone, arrivant en 2020 à un nombre total de plus de 500 000 konbinis sur tout le territoire.
Néanmoins, malgré la puissance de ces grandes entreprises omniprésentes dans presque tout le pays, quelques voix commencent à leur faire opposition : celles de leurs propres franchisés. Alors que par le passé, il était facile d’embaucher, aujourd’hui avec la forte baisse du taux de natalité, il devient difficile de trouver des employés tout comme de trouver des clients. Par ailleurs, le coût horaire de la main d’oeuvre a également fortement augmenté et cela entraîne des difficultés pour les franchisés à ouvrir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Certains n’arrivent plus à trouver d’employés et se retrouvent donc dans des situations particulièrement délicates, devant se priver de sommeil afin de répondre aux exigences de l’entreprise.
Et ailleurs ?
Bien que le Japon soit un pays emblématique de la culture des konbinis, les grandes chaînes ont également commencé à s’installer dans d’autres pays dès la fin des années 80 : Family Mart s’est implanté sur divers marchés asiatiques, tandis que Seven Eleven a adopté une stratégie plus mondiale en s’établissant sur quatre continents.
Conclusion
Malgré les diverses difficultés économiques de ces trente dernières années, le konbini a su s’imposer en maître dans le domaine de l’épicerie au Japon et est devenu un véritable symbole du pays pour les étrangers (on le voit dans les jeux vidéos, les mangas, les animes…). Cela à tel point, que le mot konbini est parfois aujourd’hui considéré comme un mot purement japonais, alors qu’il est l’abréviation de convenience store (5), marquant sa véritable origine, qui est américaine.
Notes
(1) Ce magasin appartenait à la Southland Ice Company.
(2) D’où le logo des konbinis Lawson : une bouteille de lait.
(3) La préfecture la plus pauvre du Japon. Voire l’article L’essor de Tottori pour plus d’informations.
(4) Ils pouvaient (et peuvent toujours) y lire divers magazines et mangas. Par ailleurs, l’ouverture 24h/24 7j/7 permet de s’y réfugier à toute heure du jour ou de la nuit.
(5) En japonais コンビニエンスストア (konbiniensu stoa).
Sources
- Image d’en-tête
- TANAKA Daisuke, « Individualisation sociale et konbini dans le Japon contemporain. La « consommation en réseau » à l’ère informationnelle », Ebisu, Etudes Japonaises, 2019
- コンビニエンスストア (convenience store), Wikipedia JP
- Amazing Facts About Japan’s Konbini, Culture Trip
- A Mini History of Convenience Stores in Japan, Nipponia
- Konbini, les épiceries japonaises ouvertes 24/7/365, Kanpai
- Convenience Stores Cut Themselves More of the Pie, nippon.com
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