sanshin royaume de ryukyu musique japon
Culture Japonaise, Musique

Le sanshin du royaume de Ryûkyû

Nombreux sont ceux qui s’intéressent au Japon et ont déjà entendu parler de cet instrument typique qu’est le shamisen. Bien moins nombreux sont ceux qui ont connaissance de l’existence du sanshin, un instrument originaire de l’ancien royaume de Ryuukyuu (1). Il est pourtant l’ancêtre du fameux shamisen.

En Chine existe un instrument appelé sanxian (三弦, signifiant « trois cordes ») depuis très longtemps, si bien qu’on ne sait pas exactement à quelle époque il remonte. L’écrit le plus ancien mentionnant un sanxian remonte à la dynastie Ming (1368-1644). L’instrument a peut-être été importé depuis un autre pays et les suggestions quant à ses origines sont nombreuses.

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C’est au XVIe siècle que le sanxian est introduit dans l’ancien royaume de Ryuukyuu où il se développe pour devenir le sanshin (三線, signifiant « trois cordes », comme le sanxian), qui arrive ensuite au Japon, où la peau de serpent est abandonnée et où le nom de « shamisen » est adopté.

Le sanxian a commencé par être adopté sous sa forme purement chinoise au sein de la noblesse des îles. Il y a peu de témoignages sur la musique de cette époque et la seule musique qui a survécu jusqu’à nos jours est l’uzagaku.

C’est au XVIIe siècle que l’instrument fait ses premiers pas dans les chants okinawaïens et devient le sanshin, se distinguant du sanxian originel. Le nouvel instrument commence à être utilisé dans ce qui est aujourd’hui appelé « musique classique des Ryuukyuu » (ou Ryuukyuu koten-ongaku). L’usage du sanshin se répand peu à peu parmi le reste de la population sous les styles eisa et mo ashibi (dont vous avez un extrait ci-dessous), parlant d’amour, de peines de cœur, d’espoirs pour de bonnes récoltes et offrant des leçons de vie.

Chantées dans les langues ryuukyuu, il n’est pas possible de les comprendre à moins de connaître ces langues elles-mêmes (2). Il s’agit d’une part intégrante et très importante des cultures Ryuukyuu. Les chansons populaires d’Okinawa se regroupent sous le nom de « Okinawa min’yo » et celles d’Amami sous les noms de « Amami min’yo » et plus généralement de « shimauta » (chant de l’île).

L’instrument ne se joue pas comme une guitare. On ne réalise pas d’accords avec celui-ci et on n’utilise qu’une corde à la fois (3). La musique n’est également pas écrite à l’occidentale, mais avec des kanji. C’est donc en lisant ces derniers qu’on peut jouer les mélodies traditionnelles.

Le sanshin ne sert pas à réaliser de longs passages instrumentaux ou des solos. Son rôle est plutôt d’accompagner les paroles des chansons afin de les faire mieux ressortir. D’ailleurs, les chanteurs accordent leur instrument en fonction de leur tessiture vocale.

Le corps des sanshin est traditionnellement réalisé en peau de pythons (4), bien que ceux-ci ne soient pas originaires des îles Ryuukyuu. La peau utilisée pour faire les sanshin aurait été importée depuis le continent dès la naissance de l’instrument. En effet, les vipères habu d’Okinawa sont trop petites pour que leur peau ait pu être un jour employée dans la création de sanshin. Cette peau de serpent vaut notamment au sanshin d’être surnommé « jabisen » (蛇皮線, signifiant « queue de serpent-corde ») par les habitants des quatre îles japonaises principales.

Des peaux artificielles peuvent également être utilisées pour fabriquer les sanshin. Elles sont en effet moins chères, plus solides et plus faciles d’entretien que les peaux de serpents. Il est aussi possible de trouver des sanshin sur lesquels la peau de serpent est superposée à la peau artificielle, ce qui permet un beau visuel tout en ayant une très intéressante solidité. Néanmoins, sur scène, les artistes emploient presque toujours de véritables sanshin.

Le sanshin se différencie du sanxian de deux manières : sa caisse de résonance est plus ronde et plus grande et son manche est plus court. L’instrument se joue, traditionnellement, avec un plectre, appelé bachi (バチ) en japonais.

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Le plectre d’Okinawa est traditionnellement réalisé en corne de buffle d’Asie, mais aujourd’hui on le retrouve aussi en plastique, en bois… Il se place sur l’index droit et peut être de formes et de couleurs variées.

Quant au bachi d’Amami, il s’agit d’une tige de bambou, qu’on place entre le majeur et l’annulaire et qu’on pince entre le pouce et l’index.

En ce qui concerne les chants populaires, en plus du plectre, on peut également utiliser l’ongle de l’index droit, comme cela est visible dans certaines des vidéos précédentes. Il est aussi possible de nos jours d’utiliser un médiator de guitare ou de basse.

À l’heure actuelle, des sanshin sont parfois employés dans des musiques un peu plus contemporaines et moins traditionnelles. Le groupe BEGIN (ビギン) en est un des divers exemples.

Il est dorénavant possible d’acheter des sanshin sans avoir besoin de se rendre à Okinawa ou Amami, grâce au site Sanshin Shop, qui peut réaliser des expéditions de sanshin en peau artificielle jusqu’en Europe !

 

Notes

(1) Ce royaume comprenait l’actuel archipel Ryuukyuu et les îles Amami.

(2) Les langues ryuukyuu ne sont pas des dialectes japonais, pas des langues japoniques à part entière. Il ne suffit donc pas de comprendre le japonais pour les comprendre.

(3) Autrefois en soie, les cordes sont aujourd’hui en nylon, ce qui permet une meilleure solidité. Celles-ci sont plus fines et jaunes à Amami, tandis qu’elles sont plus épaisses et blanches à Okinawa. Les sanshin d’Amami, grâce à cette particularité, peuvent donc être accordé jusqu’à une quinte au-dessus des sanshin d’Okinawa.

(4) Les pythons utilisés pour réaliser des sanshin ne sont pas en voie de disparition. Néanmoins, la difficulté à distinguer une peau de serpent d’une autre entraîne un possible risque pour les espèces de python en danger.

 

Sources